vendredi 29 août 2008

Le parc de la Courneuve vu par Manon

Manon, Châtelet      

Je viens d’une banlieue lointaine, le 974, vous ne connaissez pas ? C’est juste à 12000 km de Paris! Une banlieue perdue dans l’océan indien, autrement dit la Réunion. Quand je suis arrivée à Paris il y a onze ans, j’ai été très dépaysée. Pas la même vie, pas le même rythme, plus d’horizon mais du béton! Et quand je suis arrivée à Châtelet, j’ai commencé à apprécier vraiment cette ville et ce quartier… C’est un quartier très métissé, un vrai melting pot. Et je ne parle pas de l’architecture! Il est aussi riche en histoire. Par exemple en bas de chez moi, rue de la Ferronnerie, Henri IV a été assassiné par Ravaillac! Si Paris était une personne sa qualité première serait son rayonnement. Pour moi, Paris est une boule d’énergie gigantesque et lumineuse qui ne cesse de me fasciner !
Quand on m’a dit que j’irai au parc de la Courneuve, je me suis dit chouette, voilà un endroit qui me va bien. Je suis très proche de la nature et je ne connaissais absolument pas ce lieu. J’avais décidé d’être complètement disponible avant même de savoir où j’irai. Et quand j’ai su que ce serait dans un parc gigantesque, je me suis dit : Ne t’attends à rien, tu verras bien... Je pense que j’ai adopté la bonne attitude pour recevoir tous ces présents que la vie nous offre. Pour être dans le présent, dans l’instant même. Vous me croirez si vous voulez, mais pendant 2h30 je n’étais ni à Paris, ni en Banlieue mais en « nature ». C’était agréable, revigorant et surprenant parfois! Mon envie était de faire de belles photos, bien sûr, mais surtout je voulais qu’elles racontent la vie de ce parc. J’essayais de faire corps avec mon sujet, plus rien d’autre n’existait! 
Et puis, il a fallu rentrer, et c’est surtout là que j’ai pris conscience de la grandeur du lieu. J’ai cru ne jamais arriver à en sortir, j’ai dû demander mon chemin au moins cinq fois alors qu’il suffisait d'aller tout droit! Quand je suis enfin arrivée à la sortie, j’ai eu cette sensation qu’on a quand on repart de Disneyland, comme si tout ça n’était qu’un rêve. Un rêve qui n’est qu’à trois stations de RER de Châtelet!
Plus je prends des photos et plus je deviens observatrice. Lorsque je regarde dans mon viseur, je fais attention à chaque détail, à la composition du cadre. Willy Ronis parle d’un peintre qu’il aime particulièrement, Brueghel... Il dit que ce peintre le fascine car il place merveilleusement bien ses sujets dans la toile. J’ai souvent ressenti ce rapprochement avec la peinture. Je me rends compte aussi qu’il m’arrive de plus en plus de regarder une scène et d’imaginer tout de suite le cadrage que j’adopterais. Je crois qu’un photographe ne vole rien, il reçoit simplement.
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Manon Haziel

jeudi 21 août 2008

Paris vu par Eriola

Eriola, Aubervilliers

J’habite à Aubervilliers dans le quartier du Marcreux entre le quartier Heurtault, le canal St Denis et le quartier du Landy. J’y ai grandi depuis l’âge de quatre ans, j’y suis lié sentimentalement et j’aimerais pouvoir y vivre plus tard. Ce quartier est celui que je préfère car il a des allures de vieux port, des airs de favelas, de zone industrielle abandonnée, envahie et reconquise par la nature. Des ruines aujourd’hui menacées par la rénovation du quartier depuis la construction du Stade de France. Je me rends pratiquement tous les jours à Paris car j’y étudie (Je suis étudiant en troisième année de Cinéma et Audiovisuel à Paris III Sorbonne ), j’y ai aussi des amis et je m’y rends pour mes sorties culturelles. J’ai le fort sentiment d’appartenir au lieu où j’habite. Si il y a un fossé entre l’Ile-de-France et le reste de la France sur un certain nombre de points, le fossé qui sépare Paris de la banlieue nord est aussi grand. Lorsque je suis à l’étranger, je dis que je viens d’Aubervilliers même si la ville de Paris est riveraine. L’image la plus forte que m’évoque Paris est son réseau souterrain de transports en commun où je passe un tiers de mon temps.
Au cimetière du père Lachaise, j’étais d’abord en quête d’informations concernant l’histoire du lieu. J’ai abordé une femme qui semblait y travailler. Elle notait méthodiquement sur une feuille, les noms sur les tombes, un par un. Je lui ai dit : « Bonjour, vous faites l’appel ? ». Maladroit. La femme, vexée, s’en est allée. J’ai décidé de m’approcher d’un homme qui faisait la même chose, mais il m’a dit en anglais que son groupe avait organisé un jeu et que s’il retrouvait certaines dates, il gagnait un éventail. Un autre homme m’a raconté qu’il était écrivain et qu’il manquait toujours d’inspiration pour inventer des noms, voilà pourquoi il était ici. Plutôt glauque…
Arrivé au Mur des Fédérés, j’ai longé le mur d’enceinte du cimetière, en tâchant de trouver la sortie. L’immeuble moderne, sans doute un HLM, celui que je voyais derrière le mur et que je venais de photographier, me donnait l’impression que la banlieue se trouvait là. Puis j’ai aperçu une ligne de barbelés, ce qui m’a fait réfléchir au barbelé social qui sépare Paris de la banlieue. Un barbelé social bien entretenu. Est-ce encore d’actualité ? Ce mur est-il vraiment solide ou en train de se fissurer ? (J’ai pensé aussi aux disparités entre les différentes zones du cimetière et j’y ai transposé à son échelle la ville de Paris : chemins bien tracés, quartiers fastueux, périphérique, endroits de charme, monuments célèbres, culte de l’ancien, grandes avenues et ronds-points, pierre sculptée et pavés, touristes, mur d’enceinte, vieilles bâtisses, air protocolaire de circonstance…)
J’ai remarqué qu’avec un appareil en main, tous les touristes me demandaient leur chemin, les corbeaux décrivant des cercles au-dessus de nous : « Where’s Jim Morisson’s grave, please ? ». A la fin de mon périple, j’ai photographié une jeune fille, assise seule sur un banc. Elle m’a raconté comment, accompagnée de ses amies, elle avait vu son nom et son prénom inscrit sur une tombe et que la panique s’était emparée d’elle. Ce qui m’a amusé en regagnant la sortie, c’est de constater que le cimetière se trouve très en hauteur par rapport à la rue. Même six pieds sous terre, les morts étaient enterrés bien hauts. Certaines statues d’illustres gens surplombaient la ville, comme si les Parisiens avaient voulu que les grands esprits veillent sur eux.
Le jour d’après, je me suis mis en tête de voir ce qu’il y avait derrière le mur des Fédérés et je me heurtai à un cul-de-sac, rue des Rondeaux. C’est ici que je fis la rencontre de Thomas et Sophie, un irlandais et une australienne qui travaillent ensemble en Angleterre. Ils faisaient le tour de l’Europe en voiture et dormaient dedans. Je leur demandai ce qui les amenait en France, ils me répondirent qu’après avoir vu le film La Haine de Mathieu Kassovitz et regardé les informations concernant les émeutes dans les banlieues en France, ils avaient décidé de visiter la banlieue nord en passant par des endroits clés. Ils avaient établi une carte à l’aide de plans RATP/SNCF et collecté des images de coupures de journaux où je reconnus quelques bâtiments. Ce qu’ils pensaient de Paris n’était pas très flatteur : Paris, selon eux se donnait un genre et nous le faisait payer cher. Cela s’apparentait au marché du luxe. Plus un produit était coûteux, plus il y avait de demande. Cette réflexion était née d’une révolte sur le prix de la pinte de bière : « 11 €uros, it’s just amaaazing !
J’ai entrepris le jour suivant de faire un tour du côté de Belleville. La rue était grise mais multicolore. Autour de moi, de vieilles boutiques turques, marocaines, juives et chinoises. Après avoir flâné ça et là le long du boulevard, je suis tombé sur des étals de marchandises à même le sol. Je me renseignai : Il s’agissait d’une brocante improvisée. Pour prendre une photographie, il faut parlementer longtemps. Souvent la communication est difficile mais les brocanteurs ne sont pas de mauvaise foi. La police a ses méthodes que le touriste naïf ne soupçonne pas. Un bon nombre de personnes m’ont demandé combien je vendais mon appareil, d’autres m’ont demandé mon prénom. Etonnant. Le quartier abrite, paraît-il, beaucoup de petits foyers de travailleurs immigrés. les rues étaient bondées, une atmosphère de vacances se faisait sentir, le temps n’était pas au beau fixe. Sans doute le soleil vient-il de l’intérieur ?

Près de la place Edith Piaf, en montant jusque l’angle de la rue Paul Strauss et de la rue Geo Chavez, il y a un escalier charmant…. On quitte les modestes bâtisses et le décor hétéroclite du 20ème arrondissement pour une zone pavillonnaire. Le pavage est gros et poli, les villas sont envahies par le lierre et les lampadaires datent d’une autre époque. Deux dames âgées sont passées, je suis venu à leur rencontre. Elles m’ont dit qu’elles habitaient le quartier et qu’elles faisaient un peu de tennis pour garder la forme. Le quartier, me dirent-elle, « sert souvent de lieu de tournage car il est à l’image d’un Paris typique ».
En empruntant la rue de Bagnolet, j’ai débouché sur une sortie du Père Lachaise, rue de la Réunion. Ici, le quartier est cosmopolite et fragmenté : turcs, juifs, africains… En entrant dans le passage de la Cité Aubry « Villa Riberolle », j’ai découvert des ateliers, des manufactures, des habitations, des usines, avec des façades en bois et hautes en couleur. Un endroit où il fait bon vivre. Plusieurs personnes sortaient les tables dans l’allée pour déjeuner : « C’est la coutume ici ». Les alentours étaient magiques. Je suis tombé nez à nez avec des maisons insolites aux couleurs magnifiques. J’étais dépaysé. Avant, Paris pour moi c’était la grisaille. J’avais le sentiment d’être dans un autre Paris, un Paris ayant échappé à Haussmann.

A Ménilmontant, en sortant du métropolitain, j’ai aidé une dame à porter son caddie qui m’a dit : « Vous êtes la cinquième personne qui m’aide aujourd’hui, tous des gens de couleur, vous êtes des amours », je lui ai répondu « Simple coïncidence...», en espérant que ce soit vrai. Une fois remonté à la surface, j’ai découvert ce que j’espérais : le quartier était sillonné par des passants de toutes origines. Avec une rue commerçante, la rue de ménilmontant, peuplée même le dimanche. Le contact avec les commerçants a été facile. La rue, selon eux a beaucoup changé et est encore en perpétuelle évolution. Il ne reste que quatre commerces qui ont plus de trente ans d’ancienneté, comme celui de Mr Najib, qui est épicier et fleuriste à la fois. J’ai rencontré des jeunes qui voulaient être pris en photo. Dans ce Paris là, il y a toujours quelque chose de surprenant ou d’insolite. Il semble ne pas avoir de norme. En haut de la rue, je suis tombé sur un squat. La façade était couverte de tracts et d’affiches, d’annonces de manifestations artistiques organisées par les occupants. Dessus, un mot revenait souvent : alternatif. Lors de mon passage dans le 20ème arrondissement, j’ai vu des maisons à l’agencement alternatif, des couleurs alternatives, des activités alternatives, une économie alternative. A l’image de certaines villes de banlieue. On débat souvent au sujet du Grand Paris. A ce moment précis, j’ai pensé au Grand Saint-Ouen, au Grand Aubervilliers, au Grand Saint-Denis…
Je n’avais encore eu aucune expérience de photographe. Le fait de rechercher autre chose que du sensationnel, du prêt-à-photographier ou des choses connues est difficile. C’est un état d’esprit, un nouveau sens en éveil, un combat contre le temps et le hasard et beaucoup d’humilité. Maintenant que je pense avoir compris ce que faire de la Photographie implique, je commence à changer mon rapport au Cinéma (qui reste, somme toute, de la photographie). Par exemple, j’accepte aujourd’hui le fait de revenir bredouille. La ville change lorsqu’on la regarde dans un viseur car chaque élément prend une signification particulière. La ville devient un fourmillement de signifiants et le photographe doit alors pouvoir en isoler une « tranche », une image qu’il pourra donner à lire comme une page.

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Eriola Yanhoui

vendredi 15 août 2008

Saint-Ouen vu par Virginie

Virginie, Paris XIème

Je vis dans le 11ème arrondissement de Paris à la limite du 20ème (M° Ménilmontant). Ce quartier est un carrefour d’histoires,  du vieux Ménilmontant  d'Edith Piaf à sa version contemporaine, mélange de vie populaire et d’artifices (rue Oberkampf). Un carrefour de générations, d’origines, de cultures, de saveurs et de couleurs. Un esprit de quartier diurne en opposition au rythme nocturne. Ce que j’aime, c’est tout ce brassage. Souvent, j’ai été attirée par des villes comme Saint-Ouen, Clichy, Montreuil, Bagnolet pour leurs attraits que l’on connait malheureusement le moins : le dynamisme culturel, les marchés vivants où l’on trouvera toujours ce que l’on ne cherche pas, les éclats de rires, les fêtes de quartier où on a l’impression que le mec du coin est notre cousin. Ce sont des endroits où tout simplement je me sens bien.
Aller à Saint-Ouen pour la donner à voir, c’était l’envie de redécouvrir à travers le viseur de l’appareil photo, une ville que j’ai souvent parcourue dans un but précis. Cette ville des brocanteurs anciennement chiffonniers et des gars de Cayenne à l’argot perdu : « le kispon », en passant par toutes ces histoires incroyables d’hommes et de femmes, résistant(e)s pendant la seconde guerre mondiale…
J’ai choisi de m’imprégner du coin des brocanteurs, des artisans, des ferrailleurs du côté du marché Vallès, Biron, et de la rue des rosiers. Ces puces implantées sur les anciennes glacières de Saint-Ouen, rue Paul Bert, rue du Plaisir, rue Eugène Lumeau, rue Lécuyer, le coin de Fredo… le quartier des chiffonniers… Comme inspirée par cette grande dame de Ménil’, ça m’a fait tourner la tête, mon manège à moi, c’était là…
Le fait d’écouter les gens me raconter des bribes de leur vie ou de celles et ceux qui ont fait ce quartier, m’a beaucoup inspirée pour créer un univers photographique. En écoutant et en flânant, on discerne soudain l’âme d’un lieu.
Ces villes qu’on nomme Ban-lieue font sans doute référence à l’ignorance de ceux qui les ont nommées comme ça, des gens qui sont au ban de tous ces lieux riches de vie qui font l’âme de l’Ile de France.
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Virginie Guiral