mercredi 2 juillet 2008

Villetaneuse vue par Mohamed

Mohamed, Paris XIème

J’habite entre Nation et Bastille dans la rue de Montreuil. Avant, c’était le quartier du meuble. Quand j’étais gamin, ma rue était pleine de petits cafés où les ouvriers venaient boire ensemble l’apéro, très tôt le matin et jusqu’à tard le soir. Aujourd’hui il n’y a plus de bois et plus de menuisiers-ébénistes. Depuis la construction de l’Opéra Bastille, le quartier s’est transformé en bobo quartier, avec des cafés chics et branchés, beaucoup de célibataires, des jeunes couples avec peu d’enfants. C’est fini les grandes familles d’ouvriers. Les appartements loi 48 ont disparu avec leurs locataires et sont devenus des lofts. Enfin Paris reste quand même Paname, Paname, Paname, la ville de mon premier amour… Je dis toujours que je suis de Paname. En banlieue, je connais surtout Montreuil où je vais à la piscine à Croix de Chavaux, Aubervilliers où j’ai des amis, Nanterre où j’ai de la famille… Ce qui me frappe en banlieue, c’est l’espace qu’on y trouve, les terrains de jeux, les terrains vagues… A Paris tout est de plus en plus fermé, cloisonné, avec des grilles, des digicodes partout… J’ai l’impression d’être plus libre en banlieue, d’avoir plus d’air. Je crois que la banlieue est fière et que son seul défaut est d’être aussi un peu orgueilleuse. Mais elle a sans doute besoin de l’être, vu comme on la stigmatise…
En arrivant à Villetaneuse, je voulais découvrir la ville dans sa singularité. Je voulais saisir comme un magicien, l’essence unique de Villetaneuse. Approchez, Mesdames et Messieurs ! Je vais vous faire sentir un parfum original ! Incomparable ! J’ai d’abord longé « la route de campagne » qui mène à la cité Allende, le long de l’université Paris 13, là où les gamins ont élargi leur terrain de jeux. La cité Allende, ça m’a rappelé les colonnes de Buren au Palais Royal. Quand j’étais gosse, je jouais dedans à chat perché. Je me souviens que ça choquait les passants : il fait quoi ce gosse à sauter comme ça sur une œuvre d’art, c’est pas un jardin d’enfants ! Dans la cité rénovée, ils jouaient pareil au milieu des colonnes. Ils m’ont vraiment tous accueilli comme le photographe qui venait les photographier. Ils avaient envie et j’étais là pour ça. Une chose m’a frappé là-bas : plein de petits, quelques mères qui étaient aussi contentes qu’eux que je les prenne en photo, mais pas de grands : juste les deux rappeurs du groupe qui ont posé sur les colonnes de la cité comme les gardiens du temple. Il faudrait que je passe en soirée la semaine prochaine, les grands travaillent dans la journée.  Après, Linda qui travaille ici et qui a participé à l’atelier m’a emmené au jardin « d’ouvrières » où il n’y a aucune femme. J’ai rencontré un vieux monsieur qui s’occupait du jardin. Je l’ai d’abord photographié en douce et puis après on a parlé un peu. Il n'était pas bavard mais chaleureux. J’aime bien la photo que j’ai faite de lui dans le jardin.
Il avait sorti un peigne juste avant pour se recoiffer, très fier. Il m’a dit que la ville avait changé sans m’en dire plus que ça. Peut-être qu’il voulait dire : maintenant, il y a ces cités qui sortent de la terre comme des fleurs. C’est l’impression que j’ai eu en les photographiant. Des cités fleurs qui venaient juste d’arriver là. Il paraît que Villetaneuse, c’est autant l’université que la ville, presque moitié-moitié comme occupants. Je n’ai pas encore été du côté de l’université Paris 13, je voulais aller à la rencontre des habitants et je suis content d’en avoir trouvé quelques-uns et d’avoir eu des échanges avec eux. La photo, c’était simple, parce que j’avais juste envie d’aller vers eux et j’espère que cela se sent.

6 juillet 2008
Quelques jours plus tard, sur le vif :
Je prends en contre-plongée le panneau à l'entrée de la ville :  Villetanneuse, Ville fleurie quand j'entends une voix : "Oh! tu photographies quoi?".
Vu ma position c'était évident (presque trop pour être honnête?).
 Alors je réplique :
-Je suis un flic en planque.
-Tu m'as pas pris, j'espère?
-Trop tard, t'es dans la boîte.
 Le jeune homme descend de son vélo avec une curiosité nerveuse.
 - Comment ça?
Je crois qu'il est temps d'avouer! Je lui raconte les photos que j’ai prises des enfants "d'Allende". Il me dit de ne pas le photographier ni lui, ni sa cité. Je lui demande alors de quelle cité il "vient". On échange un sourire. Et me voilà invité par Yacouba à passer plus tard chez lui... Je continue ma balade le long de "Blumenthal cité". 
Soudain, j'aperçois cette soucoupe volante au dessus de la tour. Je regarde autour de moi : comme descendues de la soucoupe, des filles en kimono-baskets. Prenant exemple sur David Vincent, je les suis dans leur sanctuaire. Dans le dojo : fantastique spectacle martial de "l'art du combat à main nue" par des êtres joyeux et souriants. Finalement, je suis certain qu' « ils » sont venus pour nous défendre!
En sortant, je croise Yacouba sur son vélo qui me dit de le suivre jusque dans "la cité secrète". Il me guide auprès des siens, des jeunes femmes et des jeunes hommes. Certains s'échangent des regards, d'autres des sms... Je m'approche du parking-salon où les amis de Yacouba discutent. Je suis présenté par mon guide. Curiosité dans les yeux. Je m'installe confortablement et je raconte le projet. Une ambiance amicale s'installe. C'est l'été! Bon, prêt à photographier, je leur promets, sûr de ma blague, de ne pas masquer leurs visages. Ils rient : j'ai oublié d'enlever le cache de l’objectif. Ambiance cinéma, je deviens directeur-photo, ils deviennent acteurs scorcesiens. La magie est de retour. Clap de fin. Non. En bonus, les jeunes femmes tarantiniennes qui m’ont accueilli tout à l’heure avec des noms d’oiseaux, posent aussi pour la postérité.
Ces rencontres, ces moments, ces histoires : les petits et les rappeurs "d'Allende", les anciens des "ouvrières", les femmes "de la cité" sont peints dans cette boîte magique. Il suffit d'un clic pour les voir réapparaître. Etonnant!
Dédicace à toutes ces personnes qui ont rendu la magie possible.

Pour voir ma galerie photo, cliquez sur le lien, ci-dessous:
http://picasaweb.google.com/backstreetprod/VilletaneuseVueParMohamed?pli=1

Mohamed Akeb

2 commentaires:

ChroniquesMaBanlieue.com a dit…

Bravo pour votre blog. Merci pour ces belles balades et longue vie a votre engagement, ca fait plaisir de voir des jeunes qui se bougent.

Anonyme a dit…

J'adooooore tes photos! Je trouve qu'il se passe toujours qqch, il y a souvent une atmosphère, ouai, j'adore!
bises, Manon